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Vendredi 9 février 2018 vers 16h, la police fédérale et SPF Finances sont entrés dans le lieu de travail de l’organisation culturelle Globe Aroma à Bruxelles. Ce qui s’annonçait comme une inspection particulière dans le cadre de la législation des ASBL, a fini par l’arrestation violente de 7 personnes. La majorité d’entre elles étaient des artistes primo-arrivants, actifs au sein de Globe Aroma.

Nous sommes des artistes que la collaboration avec Globe Aroma- passée, présente ou future- rassemble.

Globe Aroma est une organisation unique dans notre capitale. C’est un lieu où des primo-arrivants, souvent réfugiés, trouvent la chaleur, la sécurité et la confiance nécessaire pour reprendre le cours de leurs activités artistiques, et bénéficient d’un soutien pour entrer dans le milieu des arts en Belgique. Cette action a eu lieu à un moment très animé, juste avant l’ouverture d’une exposition pour laquelle une grande partie du réseau s’était rassemblée.  Ce qui aurait dû être un temps fort dans la vie de cette organisation artistique, a été détruit d’un seul coup. De plus, la descente a été décrite par plusieurs témoins comme brutale et agressive. Le ‘creative safe haven’ que représente Globe Aroma s’est soudainement transformé en piège.

Nous sommes furieux qu’une telle razzia ait pu avoir lieu. Globe Aroma est une ASBL subventionnée par le gouvernement et a pour mission de rassembler, à travers l’Art, des personnes de générations, cultures et classes sociales différentes. Cela fait plus de 10 ans que Globe Aroma grandit pas à pas, de projet en projet, jusqu’à devenir un lieu de travail et de lien social entre primo-arrivants et Bruxellois, un lieu où il est possible de composer une histoire commune, dans l’intérêt de tous les habitants de la ville et d’ailleurs. Le grand nombre et la diversité des personnes actives au quotidien chez Globe Aroma fait de cette organisation Bruxelloise un exemple unique en Belgique.  La micro-politique qui y pratiquée facilite des formes de participation sociale et créative que beaucoup d’autres institutions artistiques ne peuvent que leur envier. C’est pourquoi, de notre point de vue, Globe Aroma peut être considéré comme le talon d’Achille de Bruxelles, de la Flandre et de la Belgique, un espace dans laquelle l’imagination est à l’œuvre.

Le succès de Globe Aroma semble lui être devenu fatal. Globe Aroma est entré dans la ligne de mire du Plan Canal, dans ce qu’il a de plus impitoyable et dégradant. Dans la ville supra-diversifiée d’aujourd’hui, il est primordial que les organisations artistiques et socio-culturelles ouvrent leurs portes aux primo-arrivants et réfugiés. Une partie des décideurs de ce pays reconnaissent cette nécessité et apportent leur soutien aux organisations qui se sont donné cette mission. Nous sommes choqués d’apprendre que ce gouvernement, celui même qui soutient l’organisation Globe Aroma, permette à présent sa destruction.

Il est inquiétant de voir qu’un travail développé avec une telle précaution d’une part, puisse d’autre part être intentionnellement et brutalement défait. Dans ces circonstances où les droits sociaux fondamentaux sont attaqués, la tâche des opérateurs culturels qui tentent de construire des partenariats avec les citoyens parmi les plus invisibles, est rendue tout simplement impossible.

A Globe Aroma, l’art fait partie des processus sociaux de manière tangible. Ces processus sont très fragiles, mais aussi vitaux. C’est pourquoi en tant que secteur culturel, nous continuerons de parier notre capital social et symbolique, et d’étendre, à Bruxelles comme ailleurs, le champ d’influence de notre soft power, notre « puissance douce ». Devant la froideur du climat actuel et la droitisation intensive des politiques européennes et bruxelloises, il est aujourd’hui extrêmement important de soigner ces plaies à force de solidarité. Nous devons mettre en place les structures nécessaires pour pouvoir assurer une protection face à de telles intimidations dans le futur ; un engagement d’autant plus urgent que nous entrons dans une année électorale qui s’annonce brutale. Globe Aroma est un endroit qui contribue à la qualité de vie de la zone du canal, et par extension, de Bruxelles. Si c’est par ce type d’actions violentes que l’état envisage d’améliorer les conditions de vie au sein de la zone du canal, alors nous craignons pour le futur de Bruxelles.

Si nous voulons que l’intégration et l’échange culturel en Belgique se fasse avec davantage de succès – ce qui nous semble fondamental et urgent –  nous devons pouvoir offrir, dès le moment de leur arrivée, un lieu sûr et imaginatif aux primo-arrivants afin qu’ils puissent trouver leur place au sein de la diversité de la ville. Un lieu où voir et être vu. Un lieu où épanouir ses talents. Porter atteinte à un lieu comme Globe Aroma est extrêmement destructeur. C’est mettre en péril la durabilité de la diversité au sein de notre ville.

Nous sommes convaincus que ce type d’actions n’a aucun impact positif sur la problématique de l’immigration. Ces actions ne constituent en aucun cas une réponse, et encore moins une contribution à l’amélioration de la qualité de vie de la population de la zone du canal, qu’elle soit autochtone ou issue d’une immigration plus récente. Au contraire, ce sont les lieux comme Globe Aroma qui travaillent depuis des années à des solutions et investissent de manière concrète dans la qualité de vie de Bruxelles.

Simon Allemeersch, Jan Geers, Niko Hafkenscheid, Frank Kerkhofs, Roel Kerkhofs, Hana Miletić, Sara Sampelayo, Michiel Soete, Anne Thuot, Robin Vanbesien, Ann Van de Vyvere, Kristof Van Gestel, Nele Vereecken et Jozef Wouters.