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« En fait, mon arrière-grand-père, Jan Allemeersch, a déserté pendant la Première Guerre mondiale. Au début de la guerre, il a fui à pied vers les Pays-Bas, restés neutres, et a passé quatre ans dans un camp de rétention pour soldats mis en place par le gouvernement néerlandais à Zeist, où il a suivi une formation de machiniste, est devenu espérantiste et a gagné sa vie en écrivant des lettres. Il était écrivain public. Il subsiste un cahier dans lequel ses modèles de lettres sont conservés (où il ne fallait plus que remplir les noms sur les pointillés), ainsi que des brouillons pour des circonstances particulières, par exemple en cas de décès. Il écrivait en outre des chansons sur commande. J’en ai aussi déduit qu’il allait les chanter dans des cafés.

Le camp d’internement militaire de Zeist est en soi un récit particulier, car il a hébergé quatre ans durant des soldats belges qui ne pouvaient pas retourner chez eux et devaient attendre, en tant que déserteurs présumés, que la guerre finisse sans savoir avec certitude s’ils allaient un jour pouvoir regagner leur foyer. Le camp était équipé de tout ce qui structure une vie complète : des coiffeurs, des clubs de sport, des cafés, des formations, etc., mais il y avait aussi la faim et la misère, mais au bout du compte, les personnes qui s’y trouvaient étaient forcées d’y rester. Pour lui en particulier, ce séjour allait devenir synonyme d’un récit personnel malheureux : il ne retrouvera pas sa famille par la suite, mais il a pu y étudier.

Le personnage de l’écrivain public dans ce camp m’a toujours fasciné. Il est le lien avec le foyer et le prix à payer pour pouvoir atteindre ses bien-aimés. J’ai toujours établi une étrange comparaison entre mon propre travail et celui de mon arrière-grand-père. Aussi bien en tant que machiniste, mais avant tout en tant qu’écrivain qui est la plume et la voix des récits d’autrui. Qui plus est, le groupe des soldats échappés qui ont étudié l’espéranto recèle une belle utopie : apprendre la langue universelle qui allait contribuer à la paix universelle.

Cette histoire personnelle se révèle rapidement universelle : un homme fuit la guerre à pied, survit dans un camp de réfugiés et y attend la fin incertaine du conflit. Il se consacre entre-temps à l’écriture de lettres pour ses codétenus. La discussion sur le choix des mots à utiliser, les palabres sur le contenu de la lettre, les passages gênants qu’il faut écrire ensemble, etc. Il fait à la fois office de confesseur, de biographe et de marieur. Le messager des bonnes et des mauvaises nouvelles. Il lit en outre les lettres qui arrivent dans le camp. » Simon Allemeersch

La première

Projet en image

© photos par Mouhammad